Agressivité instrumentale et agressivité émotionnelle Catégories : Sciences
Auteur : Alain Foltzer

Agressivité instrumentale et agressivité émotionnelle


Etude comparative entre sports de combat vs. autres sports individuels et sports collectifs
Jung, J., Crémieux, J., et Pfister, FL 'Université de Toulon-Var ; université de Grenoble (JORRESCAM 2002 )


Résumé :

L'agressivité et le sport sont intimement liés et les opinions divergent considérablement en ce qui concerne les rapports qui peuvent exister entre eux. Certains considèrent que le sport permet de s'en libérer ; pour d'autres, il s'agit tout simplement d'une manifestation camouflée de l'agressivité (Santschi. 1985). Cette étude avait pour but de mesurer l'influence du sexe (hommes vs. femmes) et du type de pratique sportive (combat vs. autres sports individuels vs. sports collectifs) sur les dispositions agressives des individus. Une mesure psychométrique de l'agressivité permettant de distinguer l'agressivité instrumentale et l'agressivité émotionnelle (versant physique et verbal) a été proposée à 300 sujets. Notre hypothèse principale est que les pratiquants de sports de combat présentent globalement des dispositions agressives moins élevées que ceux pratiquant un sport collectif ou un autre sport individuel.

Université Toulon-Var, Avenue de l'Université BP 132, 83957 La Garde Cedex, France Tél. : 04 94 14 27 18 ieromeiung@hotmail.com

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1. Objectifs :
Ce travail a étudié les dispositions agressives d'étudiants en STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives) en fonction de leur type de pratique sportive en comparant les pratiquants de sports de combat, ceux pratiquant un sport individuel autre qu'un sport de combat et les pratiquants de sports collectifs. Un questionnaire permettant de distinguer quatre dimensions de l'agressivité (Jung, Crémieux, et Pfister, 2000), l'agressivité instrumentale physique (AIP), l'agressivité instrumentale verbale (AIV), l'agressivité émotionnelle physique (AEP) et l'agressivité émotionnelle verbale (AEV) a été utilisé pour mesurer les dispositions agressives des sujets.


2. Hypothèses :
Nous formulons plusieurs hypothèses. 1/ En sport de combat, les hommes sont significativement plus agressifs que les femmes au plan de l'agressivité totale. 2/ Les hommes pratiquant un sport de combat sont significativement plus agressifs sur le plan émotionnel que les femmes. 3/ Il n'existe pas de différence significative entre les hommes et les femmes pratiquant un sport de combat sur le plan instrumental. 4/ Les pratiquants de sports de combat présentent des scores d'agressivité globale significativement inférieurs à ceux pratiquant un sport individuel et ceux pratiquant un sport collectif


3. Méthodes :
Sujets : 300 sujets étudiants en STAPS à l'université de Toulon-Var, dont 107 femmes (20,4 ± 1,5) et 193 hommes (20,7 ±2,1) ont accepté volontairement de compléter le questionnaire d'agressivité instrumentale et émotionnelle. Sur les 107 femmes, 12 pratiquent un sport de combat, 60 un autre sport individuel et 35 un sport collectif. Concernant les hommes, 20 pratiquent un sport de combat, 50 un autre type de sports individuels et 115 pratiquent un sport collectif.

4. Traitement des données :
nous avons comptabilisé le nombre total de réponses pour chaque choix ("Jamais", "Rarement", "Quelquefois", "Souvent", "Toujours") et ce pour chaque question et chaque comparaison effectuée. Nous avons ensuite transforme les scores obtenus en pourcentages pour pouvoir travailler sur des Chiffres. Ainsi de cette manière on ne s'attache pas à établir un profil psychologique pour chaque individu mais à observer l'ensemble d'une population au niveau du facteur sexe et du facteur sport pratiqué. Nous avons pris un coefficient de significativité de 0,05 (noté *) en tenant compte si nécessaire de la correction de Bonfcroni.

schéma


5. Discussion :
En sports de combat il n'existe pas de différence significative au niveau de l'agressivité globale suivant le sexe ce qui est contraire à notre hypothèse

1- Les hommes présentent des dispositions agressives significativement supérieures à celles des femmes sur le plan émotionnel ce qui confirme notre hypothèse
2. Aucune différence significative observable au plan de l'agressivité instrumentale un fonction du sexe, ce qui est là aussi en faveur de notre hypothèse
3. Les pratiquants de sports de combat présentent bien des dispositions agressives inférieures à ceux pratiquant un sport individuel confirmant l'hypothèse 4 mais il n'existe pas de différence significative entre les personnes pratiquant un sport de combat et celles pratiquant un sport collectif infirmant l'hypothèse 4.


6. Conclusion :
Il est notoire que les hommes sont en général sur un plan global plus agressifs que les femmes (Eagly & SterTcn, 1986). Cette différence n'est pas simplement due à des facteurs biologiques. Elle est largement renforcée par des conditionnements sociaux et culturels. Le sport qui est historiquement crée par les hommes et pour les hommes, pour affirmer les valeurs d'une masculinité conquérante, dominatrice et agressive, participe à de tels conditionnements. Nous obtenons des résultats en contradiction avec les précédents propos. Nous l'expliquons d'une part par le fait que le questionnaire d'agressivité instrumentale et émotionnelle a été proposé à une population essentiellement STAPS. De ce fait une population "sportive" et pouvant ainsi présenter des dispositions agressives différentes d'une population standard. Les femmes, en faisant du sport, en participant à des compétitions, sembleraient adopter des valeurs qui ont pour habitude d'avoir toujours été des valeurs masculines et ainsi rejoignent les hommes au niveau de l'agressivité. D'autre part le fait de rassembler tous les sports ensemble masque certainement les différences. Car si l'on rentre dans des comparaisons détaillées, des disparités apparaissent. De plus, on pouvait penser qu'en sport individuel où il y a en général (excepté dans les sports de combat) aucune opposition directe avec l'adversaire (tennis, natation, gym) les personnes manifesteraient moins d'agressivité. Ce n'est pas le cas. La possible explication est qu'il s'agit d'une mesure psychométrique de l'agressivité trait, et donc pas basée sur des dispositions situationnelles (agressivité état). Ainsi, les gens pratiquant un sport individuel peuvent présenter des traits d'agressivité équivalents aux personnes pratiquant un sport collectif. Enfin, nous observons que les hommes et les femmes pratiquant un sport de combat présentent des dispositions agressives significativement inférieures aux hommes pratiquant un sport collectif et aux femmes pratiquant un sport individuel- Ces résultats tendraient donc à signifier que pratiquer un sport de combat permettrait à l'individu de contrôler son agressivité et iraient donc dans le sens de l'hypothèse de catharsis. Ne s'agissant pas ici d'une étude longitudinale le choix de tel ou tel sport et l'évolution reste inconnu. Choisit-on faire un sport de combat parce que l'on est agressif est que l'on veut essayer de canaliser cette agressivité ou bien parce que l'on est craintif, complexé et que l'on veut apprendre à se défendre avec le risque de développer son agressivité ? La pratique d'un sport et l'intégration des valeurs qui sont associées au sport nivellerait-elle la différence généralement admise entre les deux sexes au niveau l'agressivité ? Pour cela nous envisageons de faire passer le questionnaire à une population de personnes sédentaire pour ainsi avoir une population de référence. De multiples travaux ont montré que pratiquer un sport modifie la personnalité d'un individu. Parmi les perspectives de recherche nous aimerions croiser le questionnaire d'agressivité instrumentale et émotionnelle avec la version française du questionnaire des rôles sexués de Bem (Fontayne, Sarrazin, et Famose, 2000) et avec un questionnaire d'estime de soi (Ninot, Delignières, et Fortes, 2000). Avec comme hypothèse générale, qu'une personne ayant un profil de rôles sexués de type masculin présentera des dispositions agressives supérieures à un sujet présentant un profil de rôles sexués de type féminin.


Références :
Eagly, A.H., & Steffen, V.J. (1986). Gender and aggressive behavior: A meta-analytic review
of the social psychological literature. PsychologicalBulletin, 100, 309-330. Fontayne, P., Sarrazin P., Famose, JP (2000). The Bem Sex-Role Inventory : Validation of a short version for Frcnch teenagers. European Review of Applied Psychology 50 (4) : 405-416. Jung, J., Crémieux, J., et Pfistcr, R. (2000). Elaboration et validation d'un questionnaire d'agressivité
instrumentale et émotionnelle. Communication au congrès international de la Société Française de
Psychologie du Sport (SFPS). INSEP. Paris.
Ninot, G., Delignières, D., et Fortes, M. (2000). L'évaluation de l'estime de soi dans le domaine physique. STAPS. 53, 35-48.
Santschi, A. (1985). Le combat ritualisé dans le sport un moyen de contrôler son agressivité ? Réponse donnée par le judo Macohn. 2, 4-7.